La terre n’est-elle pas de toute façon condamnée à la destruction ?

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La conception ordinaire des chrétiens selon laquelle notre terre sera totalement détruite quand Jésus reviendra pour nous emmener au ciel, repose sur des fondements bibliques très fragiles. Historiquement, ce n’est qu’après la Révolution industrielle, alors que les hommes exploitaient la terre comme jamais auparavant, que l’idée de la destruction totale de la terre s’est répandue. Cette idée repose sur de mauvaises traductions de quelques textes bibliques très peu nombreux et difficiles à comprendre. 

Par exemple, quand Jésus dit : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Matthieu 24.35), l’accent est mis sur la crédibilité des paroles de Jésus, et non pas sur le caractère temporaire de la terre (ni, plus inquiétant, du ciel !). Jésus utilise une figure de style habituelle dans les Psaumes (par exemple au Psaume 102.25-27), où les choses les plus solides et les plus durables que l’on peut imaginer (la terre et les cieux) sont comparées au pouvoir de Dieu et à sa Parole. Tout aussi souvent, l’image est inversée ; c’est ainsi qu’on peut lire : « Le monde est ferme, il ne vacille pas » (Psaume 93.1), « Le Seigneur est roi. Le monde est ferme, il ne vacille pas » (Psaume 96.10), et « Tu as affermi la terre, et elle subsiste » (Psaume 119.89-90). En général, dans les Psaumes et plus largement dans la Bible, l’accent est mis « sur la permanence et la stabilité, plutôt que sur l’instabilité ou la fragilité (cosmiques) »(1). Le passage le plus cité qui semble prédire la destruction de la terre est 2 Pierre 3.10-13. Un examen approfondi de ce texte révèle toutefois une signification très différente. Premièrement, le passage établit un parallèle entre la destruction de la terre par l’eau à l’époque de Noé (versets 5-7) et la destruction par le feu au retour de Jésus ; cela suggère que ce qui est envisagé est un jugement purificateur plutôt qu’une destruction totale.

Deuxièmement, la mention du feu aurait rappelé aux auditeurs juifs le feu du fondeur (Malachie 3.2-3), et beaucoup de traductions modernes suivent les anciens manuscrits qui utilisent le mot grec eurethesetai qui signifie « mis à nu » ou « révélé » dans le verset 10, plutôt que « consumé par le feu ». Et troisièmement, les éléments (stoicheia) qui sont détruits par le feu ne sont probablement pas les éléments physiques ni chimiques, mais les forces spirituelles élémentaires que la mort du Christ a vaincues. En fin de compte, le passage traite clairement d’un jugement purificateur plutôt que d’une complète destruction.

Un autre point important à considérer se rapporte au terme utilisé pour parler de la « nouvelle » création, de la « nouvelle » terre, des « nouveaux » cieux, de la « nouvelle » Jérusalem. Le grec a deux mots pour dire « nouveau » : neos qui signifie entièrement neuf, et kainos qui suggère le renouvellement, la rédemption et la restauration. Le Nouveau Testament utilise toujours kainos quand il s’agit de la nouvelle création, mettant ainsi l’accent sur le fait que l’acte final de Dieu à travers Jésus consiste non à détruire la création – qu’il a déclarée bonne – et à créer des choses nouvelles, mais à « renouveler » toutes choses (Apocalypse 21.5). En d’autres termes : à purifier, renouveler et restaurer la création, avec Christ en son centre.

Ce que la Bible met en lumière, ce n’est pas la destruction de la terre, mais un jugement purificateur pour faire disparaître tous les effets du péché et de la chute, avant que le Christ ne soit à nouveau Seigneur, et que toute chose dans le ciel et sur la terre ne soit encore une fois sous son autorité (Éphésiens 1.10). L’apôtre Paul dit son grand espoir qu’un jour « cette même création sera libérée de l’esclavage du périssable pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu » (Romains 8.21).

(1) Paul Williamson, « Destruction or Transformation ? Earth’s Future in Biblical Perspective », dans J. Moo et R. Routledge (éd.), As Long as the Earth Endures : The Bible, Creation and the Environment, Nottingham,Apollos, 2014, p. 135.

(extrait de Dave Bookless, “Vers une théologie du changement climatique”, Évangile et changement climatique, édité par E. Hobbs, J.F. Mouhot, C. Walley, Je sème, Dossier Vivre n°40, 2017, p.15 et suivantes) [PDF disponible gratuitement ici]