Le propos de l’Évangile n’est-il pas de « sauver des âmes » ?

Photo de Jametlene Reskp sur Unsplash

Pour certains, le changement climatique est simplement une dernière diversion pour nous éloigner de notre tâche essentielle, qui est d’évangéliser. Nous devrions « sauver des âmes » et non pas comptabiliser les émissions de carbone, sauver des gens plutôt que de nous inquiéter de la terre. En réalité, cette façon de voir doit davantage à la philosophie païenne grecque qu’à la Bible, et ce sont Platon et Aristote qui ont avancé l’idée que les questions spirituelles étaient infiniment supérieures aux questions matérielles. À l’inverse, la vision hébraïque qui sous-tend la Bible refuse de séparer les aspects spirituels et matériels de la réalité. Dieu a fait un monde matériel « très bon », et il continue à s’en soucier et à le soutenir ; il a envoyé son Fils comme un être de chair et l’a ressuscité physiquement en tant que premier fruit d’une nouvelle création qui est totalement matérielle. Le mot « Évangile » signifie bien sûr « bonne nouvelle », et c’est la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu que Jésus a proclamée et démontrée. Quand on parle du Royaume de Dieu, il s’agit de la Seigneurie de Jésus-Christ sur l’âme et la vie de chacun bien sûr, mais aussi sur tout ce qui constitue la société des hommes (la politique, l’économie, la pauvreté, la santé) et sur la totalité de la création de Dieu. À la fin de l’Évangile de Marc, Jésus envoie en mission des disciples dans le monde « proclamer la bonne nouvelle (l’Évangile) à toute la création » (Marc 16.15 NBS). Nier que l’Évangile soit concerné par le changement climatique revient tout simplement à nier la Seigneurie de Jésus.

(extrait de Dave Bookless, “Vers une théologie du changement climatique”, Évangile et changement climatique, édité par E. Hobbs, J.F. Mouhot, C. Walley, Je sème, Dossier Vivre n°40, 2017, p.15 et suivantes) [PDF disponible gratuitement ici]

Ne devrions-nous pas nous concentrer sur l’évangélisation plutôt que sur l’environnement : sauver des âmes plutôt que sauver la terre ?

Photo de Ben White sur Unsplash

Premièrement, Jésus ne s’est pas uniquement occupé de « sauver des âmes » ! Il se préoccupait des personnes dans leur intégralité, prenant en compte leur contexte physique, social et spirituel. Pour lui, la relation des hommes avec Dieu ne pouvait être séparée de leur relation les uns avec les autres et avec le monde qui les entourait. Il a enseigné qu’aimer Dieu et aimer son prochain allaient de pair. Donc guérir les malades, libérer les prisonniers et calmer les orages de la nature sont tous des éléments de la Bonne Nouvelle (l’Evangile du Royaume de Dieu) qu’il a enseignée et dont il a été le modèle. L’évangélisation («sauver des âmes») est un appel chrétien fondamental et il est clair que les gens ne peuvent entrer dans une relation vivante avec Dieu que lorsque leurs péchés sont pardonnés grâce au Christ ; mais cette annonce ne devrait pas être séparée de la manifestation intégrale de l’Evangile. Prenez l’exemple de l’arche de Noé. Elle nous parle de la volonté de Dieu de nous sauver des effets du péché… Cependant, ce ne sont pas que des «âmes» qui ont été sauvées, mais bien des personnes dans leur intégralité. En réalité, non seulement les humains ont été sauvés, mais toutes les créatures vivantes sur la terre (voir Genèse 6-7). Il se peut donc que la vision divine de ce qui doit être sauvé soit un peu plus large que la nôtre !

Deuxièmement, lorsque l’évangélisation ne se contente pas de paroles, mais qu’elle s’accompagne d’actes manifestant concrètement le souci de Dieu pour le monde entier, elle devient beaucoup plus puissante. Les chrétiens qui n’ont rien à dire sur les grandes questions de notre temps, dont l’environnement, découragent souvent les gens par rapport au christianisme. Au contraire (pour citer le regretté Rob Frost), «lorsque les chrétiens prennent la terre au sérieux, les gens prennent l’Evangile au sérieux»(1). C’est en tout cas l’expérience d’A Rocha. Pour beaucoup, la foi chrétienne semble soudain prendre tout son sens, quand ils la voient vécue en relation avec les autres et avec la planète. Donc, en conclusion, il ne s’agit pas de choisir entre l’évangélisation ou le salut de la planète, mais d’annoncer et de vivre ensemble la Bonne Nouvelle du salut et la Bonne Nouvelle pour la création.

(1)  Extrait d’une interview réalisée par A Rocha en 2005. Cette vidéo est disponible en DVD.

(question extraite du livre de Dave Bookless, Dieu, l’écologie et moi, Appendice 1, « les pourquoi ? de la planète »)