Le but de l’Évangile n’est-il pas essentiellement de sauver les âmes ?

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Nous pourrions penser qu’en tant que chrétiens nous devrions uniquement nous occuper à sauver des âmes, et vivre comme si la Bonne nouvelle de l’évangile ne concernait pas les questions matérielles. Dans cette vision, s’occuper du changement climatique serait une diversion qui nous éloignerait de notre tâche essentielle. Bien que notre mission de faire de toutes les nations des disciples reste absolument essentielle dans la mission du chrétien, nous sommes aussi appelés à nous préoccuper, comme Jésus l’a fait, des personnes dans leur intégralité, prenant en compte leur contexte physique.
Selon le théologien Dave Bookless (directeur de la théologie d’A Rocha), la vision hébraïque de la Bible refuse de séparer les aspects spirituels et matériels de la réalité. La tradition hébraïque rejette en effet la vision dualiste du monde et considère le monde comme un tout, le spirituel et le matériel étant intimement liés. Par exemple, dans le Genèse, après avoir créé chaque élément du monde matériel et naturel, Dieu a dit « qu’il était bon ». Par la suite, dans l’Ancien Testament, de nombreuses personnes en chair et en os ont incarné et transmis les messages spirituels de Dieu, et parfois même agi en son nom. Dans le Nouveau Testament, Dieu a envoyé son fils comme un être de chair et l’a ressuscité physiquement en tant que fruit d’une nouvelle création matérielle.
La vision dualiste du monde qui a influencé la pensée occidentale et en partie la vision chrétienne provient des philosophes grecs Aristote et Platon. Pour ces derniers, il existe deux mondes séparés : le monde spirituel et le monde matériel. De plus, le monde spirituel est bien plus important que le monde matériel. Plus tard dans l’histoire, les scientifiques et philosophes René Descartes et Francis Bacon (17ème siècle) ont réaffirmé la dualité du monde en séparant les questions spirituelles et matérielles. René Descartes a considéré la nature et les animaux comme des machines inanimées totalement indépendantes de Dieu. Ces philosophes ont grandement influencé la pensée occidentale également. Pourtant, au 21ème siècle, les neurosciences ont largement démontré que le fonctionnement de l’esprit et du corps sont intimement liés et vont donc dans le même sens que la vision hébraïque de la Bible qui ne sépare pas non plus ces deux notions.
Comme la Bible ne sépare pas le spirituel et le matériel, le « Royaume de Dieu » n’est pas un concept purement intellectuel, mais cela signifie la Seigneurie de Jésus-Christ sur l’âme et la vie de chaque personne et sur tout ce qui constitue la société des hommes, comme l’économie, la politique et l’écosystème notamment. En fait, il comprend la totalité de la création de Dieu. A la fin de l’Évangile de Marc, Jésus envoie en mission des disciples dans le monde pour « proclamer la bonne nouvelle (l’Évangile) à toute la création » (Marc 16.15).
Enfin, lorsque l’annonce de l’évangile s’accompagne d’actes manifestant concrètement le souci de Dieu pour le monde entier, et ne se contente pas de paroles, elle devient bien plus puissante.
Source : Marc Roethlisberger et Steve Tanner, FAQ, Déclaration Urgence Climat Suisse.

Pourquoi se préoccuper des soins à donner à la terre ? Dieu ne va-t-il pas la détruire de toute façon ?

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Deux réponses me viennent avant tout à l’esprit. Premièrement, quoi que Dieu envisage pour l’avenir, la tâche actuelle des chrétiens est d’obéir à son commandement de prendre soin de la terre (Genèse 1.26-28 ; 2.15). Autrement dit, peu importe que Dieu choisisse de détruire ce qu’il a créé, notre travail est d’en prendre soin jusqu’à ce moment-là ! Par ailleurs, l’idée que Dieu puisse totalement détruire cette terre est basée sur des fondements bibliques très branlants. Le fait est que, chaque fois que la Bible parle de l’avenir de la terre, elle maintient en tension les thèmes conjoints de la destruction (jugement) et du renouveau (salut). Les chrétiens se sont souvent emparés de l’un des deux (habituellement la destruction) et ont bâti toute une théologie autour de ce thème, en ignorant complètement les passages qui vont dans la direction opposée. Une authentique compréhension biblique se doit d’éviter les deux extrêmes, tout aussi erronés l’un que l’autre : d’une part, la notion que Dieu va entièrement détruire la terre et, d’autre part, celle que tout va aller en s’améliorant et évoluer vers la perfection. Comprendre la Bible de manière équilibrée implique de reconnaître que le jugement de Dieu sur tout ce qui est déchu, mauvais et péché, signifiera une purification radicale de toute la création, mais que son amour salvateur envers tout ce qu’il a créé conduira finalement à la refonte, au remodelage et au renouvellement de cette création.

(question extraite du livre de Dave Bookless, Dieu, l’écologie et moi, Appendice 1, « les pourquoi ? de la planète ») 

L’Evangile ne concerne-t-il pas les choses spirituelles, et non les matérielles ? Dieu ne se soucie-t-il pas de nos âmes plutôt que de nos corps ?

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Sous-jacente à cette question (qui peut se décliner de diverses manières), nous trouvons l’idée profondément erronée que nous pouvons séparer le spirituel du matériel ou de ce qui est physique. En réalité, la Bible considère toujours l’être humain comme une entité esprit-âme-corps qui ne peut être divisée. Nous sommes des êtres entiers composés de capacités physiques, mentales, émotionnelles et spirituelles, et non simplement des âmes immortelles contenues dans des corps physiques. Cette idée fausse n’émane pas de la Bible, mais de la philosophie grecque païenne. Le fait même de la création – Dieu a créé un univers matériel, l’a déclaré « très bon » (Genèse 1.31) et continue à le soutenir, à pourvoir à ses besoins et à le renouveler – prouve que les choses physiques ont de l’importance. Plus encore, la venue de Jésus, Dieu incarné, est l’attestation stupéfiante que le monde tangible compte pour lui. Tant la résurrection corporelle de Jésus que la promesse que nous connaîtrons, nous aussi, une telle résurrection (1 Corinthiens 15), vont dans le sens de cette vision positive de Dieu par rapport aux choses matérielles. Affirmer que le message chrétien concerne plutôt les choses spirituelles que les matérielles est donc une dévalorisation de la Bible.

(question extraite du livre de Dave Bookless, Dieu, l’écologie et moi, Appendice 1, « les pourquoi ? de la planète »)

Ne devrions-nous pas nous concentrer sur l’évangélisation plutôt que sur l’environnement : sauver des âmes plutôt que sauver la terre ?

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Premièrement, Jésus ne s’est pas uniquement occupé de « sauver des âmes » ! Il se préoccupait des personnes dans leur intégralité, prenant en compte leur contexte physique, social et spirituel. Pour lui, la relation des hommes avec Dieu ne pouvait être séparée de leur relation les uns avec les autres et avec le monde qui les entourait. Il a enseigné qu’aimer Dieu et aimer son prochain allaient de pair. Donc guérir les malades, libérer les prisonniers et calmer les orages de la nature sont tous des éléments de la Bonne Nouvelle (l’Evangile du Royaume de Dieu) qu’il a enseignée et dont il a été le modèle. L’évangélisation («sauver des âmes») est un appel chrétien fondamental et il est clair que les gens ne peuvent entrer dans une relation vivante avec Dieu que lorsque leurs péchés sont pardonnés grâce au Christ ; mais cette annonce ne devrait pas être séparée de la manifestation intégrale de l’Evangile. Prenez l’exemple de l’arche de Noé. Elle nous parle de la volonté de Dieu de nous sauver des effets du péché… Cependant, ce ne sont pas que des «âmes» qui ont été sauvées, mais bien des personnes dans leur intégralité. En réalité, non seulement les humains ont été sauvés, mais toutes les créatures vivantes sur la terre (voir Genèse 6-7). Il se peut donc que la vision divine de ce qui doit être sauvé soit un peu plus large que la nôtre !

Deuxièmement, lorsque l’évangélisation ne se contente pas de paroles, mais qu’elle s’accompagne d’actes manifestant concrètement le souci de Dieu pour le monde entier, elle devient beaucoup plus puissante. Les chrétiens qui n’ont rien à dire sur les grandes questions de notre temps, dont l’environnement, découragent souvent les gens par rapport au christianisme. Au contraire (pour citer le regretté Rob Frost), «lorsque les chrétiens prennent la terre au sérieux, les gens prennent l’Evangile au sérieux»(1). C’est en tout cas l’expérience d’A Rocha. Pour beaucoup, la foi chrétienne semble soudain prendre tout son sens, quand ils la voient vécue en relation avec les autres et avec la planète. Donc, en conclusion, il ne s’agit pas de choisir entre l’évangélisation ou le salut de la planète, mais d’annoncer et de vivre ensemble la Bonne Nouvelle du salut et la Bonne Nouvelle pour la création.

(1)  Extrait d’une interview réalisée par A Rocha en 2005. Cette vidéo est disponible en DVD.

(question extraite du livre de Dave Bookless, Dieu, l’écologie et moi, Appendice 1, « les pourquoi ? de la planète »)